Qu’est-ce qu’un Référendum d’Initiative Citoyenne libre et souverain ?

L’article 3 de la Constitution de 1958 dit ceci : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». Une interprétation textuelle et stricto sensu de cette phrase nous amènerait donc à la conclusion que la constitution donne au peuple le pouvoir de déclencher un référendum à tout moment, et sur le sujet de son choix.

Or, en continuant la lecture de la constitution, nous apprenons, notamment à travers les articles 11 et 89, que seul le président de la république, le gouvernement ou le parlement possèdent l’initiative de ce référendum, c’est à dire le pouvoir de le déclencher et de décider de la question (ou des questions) à poser. Dès lors nous sommes en droit de nous demander s’il n’existe pas une contradiction entre le fait « d’exercer la souveraineté nationale » (qui est la définition même du pouvoir suprême) et celui de ne pas pouvoir déclencher, ni même proposer le contenu d’un référendum……

Tout le monde s’accordera sur le fait que l’expression « exercer la souveraineté nationale » signifie au moins deux choses :

  1. être en capacité de faire les lois

  2. être en capacité de contrôler l’action de l’Etat.

Alors si « exercer la souveraineté nationale » c’est avoir le pouvoir , d’une part de faire les lois, et d’autre part de contrôler l’action de l’Etat, nous ne comprenons pas pourquoi l’initiative d’un référendum, dont le sujet peut porter aussi bien sur l’une ou sur l’autre de ces actions, est refusée au peuple.

Le fait de ne considérer le référendum « que »  comme un simple instrument de votation à usage discrétionnaire des représentants, semble donc contraire à l’esprit de l’article 3. En effet, que ce soit pour l’élaboration lois, ou que ce soit pour le contrôle de l’action de l’Etat, la votation n’est que la troisième étape d’un processus comprenant en amont une étape « initiative », et ensuite, une étape « débat ».

Initiative, débat et votation sont les trois phases indissociables de la prise de décision politique, qu’elle soit d’ordre législatif (fabrication de la loi ou de la constitution) ou d’ordre exécutif (action opérationnelle).

Compte tenu de cette contradiction interne dans la rédaction de la constitution de 1958, il apparaît nécessaire de clarifier l’article 3 en définissant de manière précise les modalités de l’exercice de la souveraineté du peuple par l’usage du référendum.

Compte tenu, également, de ce que nous venons de dire sur les 3 phases indissociables de la prise de décision politique, il convient de conférer au référendum une vocation beaucoup plus large que celle de simple outil de votation.

Par ailleurs, nous constatons, que, conscient de l’ambiguïté rédactionnelle de la constitution et du souhait d’une grande majorité de citoyens de voir introduire un référendum concrétisant réellement la souveraineté du peuple, bon nombre de partis de la démocratie représentative actuelle proposent, de façon plus ou moins timide et discrète, certains aménagements de l’article 3 dont, naturellement, aucun ne saurait satisfaire les vrais démocrates, même affublé de la dénomination trompeuse de « référendum d’initiative populaire ».

Qu’elles viennent de la droite ou de la gauche politicienne, ces propositions sont, aux mieux, des hochets médiatiques, au pire, des mystifications démagogiques. La raison en est bien évidente, car un « véritable » référendum d’initiative citoyenne pourrait, si le peuple le souhaitait, modifier les fondements du système représentatif, ou même le remplacer par un autre système. Il paraît, en effet, logique que l’intérêt de ceux qui vivent du système représentatif soit d’empêcher toute possibilité que ce dernier soit remis en cause. Mais cet « intérêt » relève, comme a dirait JJ Rousseau, de l’intérêt particulier et non pas de l’intérêt général, ce dernier étant celui qui s’exprime par la voix de tout le peuple et non pas par celle d’une minorité.

Le référendum d’initiative citoyenne doit être un outil au service de l’intérêt général et, de ce fait, ne peut souffrir de définition vague ou restrictive. Une définition vague qui satisferait aux besoins marketing d’un parti voulant se parer de l’onction démocratique à moindre frais. Une définition restrictive qui permettrait à un parti mis au pied du mur citoyen, de s’en tirer à bon compte par une pirouette rédactionnelle.

Le référendum d’initiative citoyenne ne peut pas être un simple argument, utile à certains moments du débat politique, mais suffisamment polysémique pour que chaque parti puisse en tirer le meilleur profit électoral. En tout état de cause, le « véritable » référendum d’initiative citoyenne se doit de prendre en compte les trois phases décisionnelles que sont l’initiative, le débat et la votation, et non pas l’une ou l’autre, ou uniquement deux d’entre elles.

Il est temps maintenant de préciser, sans ambiguïté aucune, les caractéristiques de ce que nous appellerons « Référendum d’Initiative Citoyenne Libre et Souverain » et que nous contracterons sous la dénomination plus courte de « RIC Souverain ».

Comme l’indique bien le titre long, ce Référendum d’Initiative Citoyenne est libre, c’est à dire qu’il peut concerner tout type de décision politique, et il est souverain, c’est à dire qu’il prévaut sur tout autre disposition. Ce libellé lève donc à la fois le critère de restriction et le critère d’imprécision.

Ce Référendum d’Initiative Citoyenne, que nous allons définir dans le détail, diffère fondamentalement de tous les « RICs  gadgets » proposés ici et là, dans la mesure où il prend en compte la globalité du processus et non pas la seule partie spectaculaire qui est celle de la votation.

A ce propos, il serait amusant de reprendre à notre compte la célèbrissime phrase de De Gaulle prononcée dans un entretien le 14 décembre 1965 : « Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant l’Europe ! l’Europe ! l’Europe !… mais cela n’aboutit à rien et cela ne signifie rien », et remplacer l’ « Europe » par le « RIC ». Car effectivement, « s’agiter sur son séant en répétant le RIC ! le RIC ! cela ne signifie rien et n’aboutit à rien si on n’explique pas en détail ce qu’on y met dedans ».

En effet, que signifierait un Référendum d’Initiative Citoyenne qui ne mettrait pas en place les conditions matérielles optimales pour favoriser l’émergence de cette fameuse « initiative citoyenne », concept aujourd’hui opaque et qui nécessite d’être précisé pour prendre un véritable sens ?

Et que signifierait un Référendum d’Initiative Citoyenne qui ne mettrait pas en place les conditions matérielles optimales pour favoriser la diffusion de ces initiatives citoyennes et leur mise en débat auprès du plus grand nombre, de façon objective et non orientée ?

Eh bien, ce RIC ne signifierait pas grand’chose, ou plus exactement il ne serait qu’un RIC « hochet » (excusez le jeu de mots !) c’est à dire un jouet amusant agité sous le nez d‘un peuple infantile pour tenter de régler à peu de frais son problème d’angoisse démocratique. Ce RIC, non structuré au sein d’un véritable dispositif démocratique global, risquerait à coup sûr de voir les initiatives citoyennes remplacées par des initiatives téléguidées par les lobbies (ou même par l’exécutif), et les débats citoyens orchestrés par le système médiatique oligarchique.

Nous voyons donc l’impérieuse nécessité de doter le Référendum d’Initiative Citoyenne d’une infrastructure d’initiative et de débat qui garantisse son caractère réellement citoyen. Pour cela, il convient qu’une véritable « charte référendaire » soit établie, qui constituerait un encadrement juridique contraignant pour la mise en oeuvre de tout Référendum d’Initiative Citoyenne et qui serait annexée à la Constitution.

Cette charte contient les 11 articles suivants :

Article 1. Le référendum indiqué dans l’article 3 de la constitution peut être déclenché à l’initiative du peuple, concurremment à celle des représentants élus. Ce référendum prend alors le nom de « référendum d’initiative citoyenne ». Le référendum à l’initiative des représentants est dénommé « Référendum d’initiative représentative ».

Article 2. Le référendum d’initiative citoyenne prend la dénomination courte de RIC. Dans tous les cas, son résultat prévaut sur toute décision politique, notamment issue d’un référendum d’initiative représentative, d’un vote du parlement, ou d’un décret du pouvoir exécutif.

Article 3. Le domaine de compétence du RIC est illimité. Il peut s’exercer notamment dans le domaine constitutionnel, législatif, réglementaire. Le nombre de questions posées est illimité. La réponse est toujours globale. Il n’y que deux réponses possibles Oui ou Non.

Article 4. Le RIC possède un pouvoir révocatoire les ministres, et les hauts agents de l’Etat.

Article 5. Le RIC possède un pouvoir de veto sur tout projet d’aménagement du territoire au delà d’un budget d’un milliard d’euros.

Article 6. Le RIC est un dispositif qui comporte trois phases : Phase 1 : l’initiative. Phase 2 : le débat. Phase 3 : la votation.

Article 7. Cet article concerne la phase 1 du RIC, l’initiative. L’initiative citoyenne est organisée dans le cadre d’une infrastructure dédiée, composée d’une plateforme internet sur laquelle tout citoyen ou groupement de citoyen peut déposer un projet de RIC. Chaque projet peut être accompagné de tout document média explicatif complémentaire. Chaque projet reste disponible à consultation et à l’implémentation de signatures citoyennes pendant 6 mois.

Article 8. Afin de faciliter le travail des porteurs de projets, un financement public est attribué à tout groupement de citoyens déclaré. L’enveloppe globale de ce financement est égale à la moitié du financement électoral des partis politiques, soit 30 millions d’euros, le financement électoral global diminuant donc d’autant. Cette enveloppe est répartie de façon strictement égalitaire entre tous les groupement de citoyens qui en fait la demande, à l’exception des groupement percevant déjà le financement électoral.

Article 9. Tout projet ayant obtenu les signatures de 1% du corps électoral est déclaré validé au RIC. Il passe alors en phase de débat.

Article 10. Cet article concerne la phase 2 du RIC : le débat. Le débat citoyen est organisé dans le cadre d’une infrastructure dédiée, composée d’un ensemble de salles publiques ouvertes dans chaque localité par tranche de 3.500 électeurs. Ces salles citoyennes sont ouvertes 7 jours sur sept de 10h à 22h. Elles sont financées par les collectivités territoriales. Les projets validés y sont débattus en toute liberté. Les projets sont mis à l’ordre du jour l’un après l’autre et chronologiquement par rapport à leur date de validation. Chaque projet bénéficie d’une durée d’un mois de débat. Les débats de chaque salle peuvent être suivis en streaming vidéo par chaque citoyen ressortissant de la salle concernée.

Article 11. Cet article concerne la phase 3 : la votation. Le vote est organisé par le ministère de l’intérieur. Le RIC est déclaré adopté si la majorité des votants a répondu Oui, sous réserve d’une participation égale à 50% du corps électoral.

Nous considérons que l’adoption de cette « charte référendaire » permettrait de redonner tout son sens à l’article 3 de la constitution

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